EVENT HIGHLIGHTS

Peut-on créer en Europe un marché des brevets transparent et sécurisé?

Speakers: Trautmann Catherine, Krikorian Gaëlle
Moderator: Michel Arnaud

Le mardi 15 octobre, dans les locaux de Science14 Atrium à Bruxelles, PubAffairs Bruxelles a organisé un débat sur la création d’un marché des brevets européen transparent et sécurisé. L’événement était modéré par Maître Arnaud Michel, du Cabinet Gide Loyrette Nouel, et participaient à titre d’oratrices Mme Catherine Trautmann, Députée européenne (S&D), et Mme Gaëlle Krikorian, Conseillère sur la propriété intellectuelle et l’accès aux savoirs auprès des Verts au Parlement européen.

Dans la première partie du débat, les intervenantes ont répondu à la question préalable, posée également à l’auditoire, à savoir : « est-ce que l’union européenne peut jouer un rôle important dans le domaine des brevets? ». Dans une deuxième partie, les intervenantes ont discuté plus en détail des idées exprimées par chacun et ont ensuite répondu aux questions de l’auditoire. Enfin, avant de clôturer le débat, le modérateur a à nouveau sondé l’auditoire.

Interrogé pour la première fois, le public a répondu majoritairement positivement à la question préalable.

Maître Arnaud Michel a introduit le sujet en présentant une analyse de la situation actuelle des brevets en Europe et dans le monde, soulignant l’explosion des dépôts de brevets, phénomène révélateur de l’importance du brevet dans l’économie actuelle, et l’importance croissante de ce que l’on appelle l’«open innovation», c’est à dire la tendance des entreprises à rechercher de nouvelles idées et ressources à l’extérieur afin de les exploiter en interne ou inversement à valoriser à l’extérieur les inventions développées en interne.

Selon lui, confrontée à un contexte économique difficile, aux défis de la globalisation et au phénomène de la délocalisation, l’Union européenne doit trouver des moyens d’augmenter sa capacité d’innovation et, pour ce faire, créer un marché des brevets, la question étant quel modèle choisir et comment organiser ce marché.

Mme Trautmann a commencé son intervention en soulignant que la valeur des brevets dépend des conditions dans lesquelles ils sont échangés et que la question aujourd’hui n’est pas de protéger l’invention mais de la diffuser et de la valoriser. La députée a affirmé que le débat du Parlement européen sur la propriété intellectuelle a fait émerger l’importance de ne pas opposer la protection des droits de propriété intellectuelle à la circulation des idées et la dissémination des innovations.

La députée a mentionné plusieurs problématiques qui sont actuellement en discussion entre les différents groupes du Parlement européen (PE) comme la protection des petites et moyennes entreprises, la limitation des risques de judiciarisation ainsi que la nécessité de corriger les imperfections du marché. Mme Trautmann a également mis l’accent sur la question de la transparence et de l’intermédiation entre les utilisateurs et le producteur-propriétaire d’invention qui, à son avis, n’ont pas été pris en compte de façon satisfaisante par la Commission européenne. Elle a conclu son intervention en affirmant que les Etats-Unis ont mis en place une politique en matière d’accompagnement vers le dépôt de brevet ainsi que des dispositifs efficaces contre les dérives d’utilisation des brevets, qui pourraient servir de source d’inspiration pour l’Europe, plus particulièrement en ce qui concerne le dépôt, la validation, la cohérence dans la vérification des plaintes, la mise à jour des informations et les obligations de transparence.

Mme Krikorian a commencé son intervention en revenant sur l’explosion de la production des brevets et en posant la question des conséquences de ce phénomène qui selon elle pourrait être un frein à l’innovation si une adaptation de l’économie des brevets n’est pas engagée. Elle a en outre souligné l’importance pour l’Union européenne d’élaborer une stratégie bien pensée, qui ne repose pas sur l’équation selon laquelle plus de protection conduit à plus d’innovation, particulièrement à une époque où la Chine devient le premier producteur de brevets. Ce d’autant que la plus grande partie des acteurs économiques européens est constituée par les petites et moyennes entreprises qui ne sont souvent pas capables d’identifier quelle innovation est protégée et à qui elle appartient. Les brevets sont en effet très fréquemment utilisés comme moyen pour lutter contre la concurrence, ce qui crée un contexte hostile et dangereux pour ces acteurs.

Selon elle, le marché européen est actuellement dans une situation d’impasse qui favorise la multiplication des brevets et l’opacité du marché. Cette situation empêche le partage d’information et la collaboration et le développement de modalités d’organisation de la recherche permettant de répondre avec rapidité et efficacité aux besoins d’innovations de la société.

Mme Krikorian a utilisé l’exemple du mapping pour souligner la nécessité de créer de la transparence au sein du marché grâce au développement d’outils de visualisation qui pourraient bénéficier de soutiens européens pour le mettre à la portée des PME par exemple. Elle a ensuite rappelé que le marché des brevets européens devrait être construit de manière à éviter toute dérive et à garantir la qualité des brevets et qu’il était important que l’Union européenne agisse rapidement sur la question. Elle a été rejoint sur ce point par Mme Trautmann qui a souligné « l’absence d’enthousiasme débordant au PE » sur ce sujet.

L’un des sujets principaux du débat a été la question de la réduction des risques dans le cadre du marché européen des brevets, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Sur ce point, Mme Trautmann a rappelé les risques de « judiciarisation» des activités de propriété intellectuelle et les difficultés de certaines petites et moyennes entreprises à trouver les moyens pour protéger leurs intérêts légitimes.

Un autre point de discussion a été celui de la négociation de l’accord commercial prévu entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Mme Krikorian a à cet égard souligné la difficulté de faire converger deux traditions juridiques différentes. Elle a mentionné certaines évolutions récentes aux USA qui lui paraissent positives, notamment en ce qui concerne les positions des cours qui prennent des positions favorables à la circulation des inventions et l’usage de flexibilités en matière d’injonctions et de dommages et intérêt. Elle a toutefois remarqué que si le système de recours en justice est censé apporter un certain équilibre au marché aux Etats-Unis, il y a bel et bien embouteillage au niveau des cours américaines, ce qui une fois de plus conduit à une situation défavorable aux PME.

Parmi les questions abordées durant la dernière partie du débat et la session question-réponse figuraient la définition de ce que l’on entend par qualité des brevets, les interrogations sur l’augmentation des brevets déposés en Europe par des entreprises chinoises et les mécanismes de lutte contre la contrefaçon.

Interrogé pour la deuxième fois, le public a à nouveau répondu majoritairement positivement à la question préalable en estimant que l’union européenne devait bien jouer un rôle important dans le domaine des brevets..

Voulez-vous approfondir les questions abordées dans notre débat? Consultez notre liste de sources sélectionnées que nous avons fournies pour vous

Créer les infrastructures et le nouveau mode de fonctionnement d’une véritable économie de la connaissance en Europe, rapport Europartenaires, CDC, 2013

EUROPEAN COMMISSION, STAFF WORKING DOCUMENT, Towards enhanced patent valorisation for growth and jobs, Brussels, 21.12.2012

OECD (2013), “Knowledge Networks and Markets”, OECD, Science, Technology and Industry Policy Papers, No. 7, OECD Publishing,

Federal Trade Commission,USA, The Evolving IP Marketplace, mars 2011

Office européen des brevets, scenarios for the future,2007

Thèmes relatifs aux brevets, Office européen des brevets

Une stratégie des droits de propriété industrielle pour l’Europe, Commission européenne

Brevets européens: enfin unis?, Conventions

La reforme américaine du droit des brevets, Novagraaf